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André-Pierre Mottais

Les Frères de Saint-Joseph (vitrail de l’église de Ruillé-sur-Loir)

André-Pierre Mottais naquit le 20 février 1800 à Larchamp, petit village d’agriculteurs en Mayenne. Il était le troisième des cinq enfants de Jean Mottais et Jeanne Blot. Nous en savons peu sur son enfance à la ferme familiale. Le 22 octobre 1820, il se présenta au presbytère de Ruillé-sur-Loir afin de rejoindre l’Institut des Frères de Saint-Joseph, fondé par l’abbé Jacques-François Dujarié.

« Frère André », ainsi qu’on l’appelait, fut le premier à persévérer parmi les frères de Saint-Joseph, et fut donc désigné comme « premier frère de Sainte-Croix ». Sa piété, son zèle et sa perspicacité en firent un collaborateur efficace du père Dujarié dans le développement de l’institut religieux. Envoyé par ce dernier au Mans et à Paris pour être formé à la vie religieuse et aux méthodes d’enseignement par les frères des Écoles chrétiennes, frère André fut finalement nommé directeur des novices et visiteur des écoles. Sous Dujarié, et avec l’aide inestimable du dévoué et fidèle Mottais, l’Institut se développa et connut un véritable succès dans les années 1820. À son zénith, il comptait un peu plus de 100 membres en fonction dans presque 50 établissements répartis dans toute la région.

Rencontre avec le père Basile Moreau

Le père Basile Moreau commença à prêcher des retraites communautaires pour les frères de Saint-Joseph de Ruillé dès 1823, et fut le confesseur de Frère André. Quand arriva le temps de renouveler la direction des Frères de Saint-Joseph à cause de nombreux départs et de la santé de plus en plus fragile de leur fondateur bien-aimé, Frère André demanda à Mgr Jean-Baptiste Bouvier, évêque du Mans, de considérer comme éventuel successeur Basile Moreau. C’est ainsi qu’avec la bénédiction de l’évêque et l’humble reconnaissance de Jacques Dujarié, la succession se fit lors d’une cérémonie en la chapelle du noviciat des Frères (Le Grand Saint-Joseph) le 31 août 1835.

Le père Jacques-François Dujarié, Mgr Bouvier et le bienheureux Basile Moreau, vitrail, Sanctuaire du bienheureux Basile Moreau

Le Grand Saint-Joseph, à Ruillé-sur-Loir, première maison-mère et noviciat des Frères de Saint-Joseph

Le père Moreau transféra sans tarder le noviciat des Frères à Sainte-Croix-lès-Le Mans dans la propriété de « Notre-Dame de Bel-Air » (qui deviendrait plus tard Notre-Dame de Sainte-Croix). Le père Dujarié lui-même vint s’y installer l’année qui suivit. Le 25 août 1836, lors d’une célébration dans la chapelle de la communauté, Frère André prononça ses vœux perpétuels comme frère de Saint-Joseph. « Au premier rang s’avançait, pour faire ses vœux, le Frère André, fidèle depuis les premiers jours, et qui avait toujours donné le modèle d’une vie religieuse exemplaire. » (Le T. R. P. Basile-Antoine Moreau, Catta et Catta, vol. 1, p. 304).

Un précurseur

Le frère André était un véritable visionnaire. En effet, il proposa à Basile Moreau ainsi qu’à l’évêque du Mans son idée de trois sociétés de prêtres, frères et instituteurs laïcs unis sous le patronage de la Sainte Famille et de la Sainte Trinité, avec comme dessein la gloire de Dieu, la sanctification de ses membres, et la proposition d’un éducation chrétienne « convenable […] au temps où nous sommes ». On peut aisément discerner ici les contours de la structure semblable qui prendrait plus tard forme sous la houlette du père Moreau.

Le frère André était, par-dessus tout, animé par le zèle apostolique. En 1840, il fut désigné par Basile Moreau pour faire partie des premiers missionnaires de Sainte-Croix en Algérie, où il fonda et dirigea des écoles chrétiennes. En dépit de nombreuses épreuves, il se donna tout entier à cette mission, croyant qu’il finirait ses jours en Afrique du Nord. Ce ne fut pas le cas. En 1842, les religieux de Sainte-Croix furent contraints de quitter l’Algérie et de retourner en France. Lorsque la mission en Algérie fut reconduite en 1844, Frère André ne faisait pas partie des missionnaires qui repartirent là-bas. Il était décédé à Sainte-Croix le 16 mars de cette même année.

Le frère André fut l’instrument de la providence dans la fondation de ce qui devint ensuite la famille religieuse de Sainte-Croix. Il joua un rôle primordial dans le développement des Frères de Saint-Joseph de Ruillé-sur-Loir et dans le transfert de la communauté sous l’autorité du père Moreau. Et pourtant, sa contribution majeure à l’histoire de Sainte-Croix est sans doute l’image d’un religieux simple et extraordinaire qui, aujourd’hui encore, donne l’exemple à ses frères.

Vitrail des missions des religieux de Sainte-Croix, Sanctuaire Basile Moreau

Lettre du père Basile Moreau à ses Frères

J.M.J.
Savigné-l’Évêque, le 20 mars 1844.

Mes chers frères,

Lorsqu’au mois de janvier dernier, répondant à vos souhaits de bonne année, je me demandais quelles pourraient être les épreuves que j’aurais à subir dans le cours du nouvel an, j’étais loin de penser qu’au nombre de celles qui m’attendaient se trouverait la perte douloureuse de celui des anciens Frères à qui j’avais voué le plus d’estime, d’affection et de confiance, de celui que le conseil général avait désigné pour m’assister et m’avertir dans les actes de mon administration, et dont l’âge, ainsi que la santé, promettaient encore de longs services dans l’Institut de Saint-Joseph, en un mot, du bon Frère André, qui est décédé à Notre-Dame, le samedi 16 mars, à huit heures du soir, après une longue maladie, muni de tous les secours de la religion. Vous sentirez vivement, mes chers Frères, tout ce que votre Société perd dans la personne de celui que je viens recommander à vos prières, et pour mon compte j’en suis profondément affligé, parce que ses conversations et ses exemples en avaient fait un modèle de la vie religieuse pour vous tous, et qu’il contribuait beaucoup au maintien de la discipline parmi nos pensionnaires, à qui il donnait d’ailleurs des leçons d’écriture et de tenue des livres. Aussi emporte-t-il les regrets sincères de tous ceux avec qui il a vécu ; et Prêtres, Frères, Sœurs et élèves, tous l’ont pleuré avec moi, au jour de sa sépulture. Il méritait bien ces témoignages d’attachement, et ce sera une consolation pour mon cœur, de pouvoir vous raconter, à la retraite prochaine, ce qu’il y avait d’édifiant dans ses sentiments, dans ses résolutions et dans tout l’ensemble de sa conduite. Puissiez-vous, mes chers Frères, m’adoucir l’amertume de cette nouvelle croix, par un redoublement de ferveur dans les emplois de votre sainte vocation, et profiter de cette grande leçon que la mort nous donne à tous, pour vous attacher de plus en plus à Celui qui seul nous restera, quand, à notre tour, il nous faudra tout quitter, pour ne plus nous revoir que dans l’éternité ![…]
Tout à vous en les Cœurs de J.M.J.

B. MOREAU

16 lettres récemment découvertes adressées à sa famille par le frère André Mottais

Les lettres ont été transcrites à partir d’originaux, parfois abîmés. Dans un souci d’harmonie et afin d’en faciliter la lecture, nous avons rétabli l’orthographe, l’accentuation et les majuscules ou minuscules selon les règles actuelles, corrigé les fautes, développé les abréviations. Les lacunes éventuelles ont été restituées, dans la mesure du possible, entre crochets. Nous n’avons en revanche pas touché à la syntaxe et à la structure du texte, afin de respecter au mieux les tournures de phrases spécifiques à l’époque et/ou à l’auteur de ces lettres.

(Les liens deviendront actifs au fur et à mesure de la publication des lettres)

Lettre du 05-12-1820

Mes très chers parents,

J’ai pris liberté de vous écrire parce que l’occasion s’est trouvée : le domestique de chez nous est venu à Laval le 6. Je suis toujours dans une merveilleuse santé et je ne désire rien tant que d’apprendre la pareille nouvelle de votre part.
J’espère que vous avez reçu une lettre depuis peu qui devait être datée du vingt-sept novembre dont j’avais oublié à mettre la date. Vous savez que la lettre vous a dit de me rendre réponse au plus vite parce que je m’ennuie bien de savoir comment est votre santé à tous. Vous n’ignorez plus la mienne. En vous écrivant cette lettre, j’en écris une pour Monsieur le curé de Larchamp qui n’ignore point comme je suis. Je me conviens toujours bien à Ruillé. J’ai déjà cinq camarades et il doit en venir beaucoup d’autres. Je ne vous dis pas de faire et de présenter de nouveau mes respects à nos parents puisque je vous l’ai dit dans une autre lettre. Je crois bien que je serai exempt, mais cela n’étant pas encore sûr, je vous prie bien de ne point craindre à ce sujet. J’espère que j’instruirai
bien le petit Joseph, mon cher frère, quand je serai dans l’occasion. J’ai un grand dessein sur lui, si le Bon Dieu le conserve. J’ai la même tendresse pour les autres, et je vous serai toujours fidèle à tous, mes très chers parents.

Papa, Maman, Jean, François, Joseph, Jeannette et Marie ma belle-sœur, je vous souhaite à tous une bienheureuse année, une parfaite santé, la paix et l’union et la concorde, dans vos cœurs le calme, la joie en Dieu, la prospérité dans toutes les affaires, tout ce que vous pouvez désirer. Je vous souhaite les bénédictions du Ciel et la fécondité de la terre, le paradis à la fin de nos jours à tous. Je la souhaite de même à ma marraine et à son mari. Tout ce que nous pouvons désirer est en Dieu. C’est le ciel, mes chers parents, que nous devons désirer. Toutes ses bénédictions nous sont promises et il ne tient qu’à nous de les acquérir. Dieu le veut et il est tous les jours temps. Travaillons donc à les acquérir et que tout soit pour la gloire de Dieu.

Ainsi soit-il.

André Mottais, écolier à Ruillé

P. S. : Je vous écrirai vers le mois de février.

Pour voir la lettre originale, cliquer ici

Lettre du 25-07-1821

À Monsieur Mottais Père, au Pompairain [Pontperrin], pour lire dans leur particulier, à Larchamp)

Le Mans, ce 25 juillet 1821

À la plus grande gloire de Dieu.

Mon cher Papa, ma chère Maman,

Lisez tous deux avec mes frères et sœurs.

Je vous remercie bien de m’avoir envoyé ce dont j’avais besoin. Je voudrais bien que vous ne m’eussiez point envoyé cet argent, je m’en serais encore bien passé, et vous qui en avez peut-être grand besoin ! Ces messieurs sont bien obligés de m’en donner puisque c’est eux qui me conduisent. C’est cependant un effet de leur bonté.

Jusqu’ici je ne vous ai pas dit grande chose sur ma vocation. Je vous prie de me donner votre avis. Je serai bientôt sur le point d’être reçu. Vous savez que depuis longtemps, il semble que la divine providence me destine pour l’instruction des âmes. Nous en avons encore senti les heureux effets à l’égard de mon exemption. Nous avons tous eu de bons numéros et cependant nous voilà encore tous. C’est à Dieu que nous devons cette grâce qui est rare. Il n’y a plus que le petit Joseph. Je crois que la Providence nous donnera les moyens de lui éviter ce danger dans le temps.

Cet établissement est nouveau et par conséquent on me destine pour en être le premier instituteur, c’est à dire pour instruire les jeunes frères et peut-être en former de supérieurs pour quelque temps. Ne croyez pas que ce soit par mérite, mais il en faut un, quel qu’il soit. Nous ferons trois vœux : vœu de chasteté, vœu d’obéissance, vœu de pauvreté. Notre costume sera une soutane, mais je ne sais pas d’autre chose sur le costume. Cela n’est point encore décidé. C’est pour le mois d’août, à la retraite des prêtres.

Je ne pourrai guère vous donner de secours temporel ; Monsieur le curé me dit que cela ne se ferait qu’en nécessité et par l’ordre du supérieur. Enfin, si je ne puis vous aider par les biens, je vous aiderai aux pieds des autels par mes prières où je ne vous oublierai jamais. Considérez mes chers parents que les biens spirituels sont bien plus solides que les biens de la terre. De tout temps le Seigneur a aimé les pauvres et il nous en a donné l’exemple lui-même. Mais disons : « Seigneur, daigniez bénir le peu que nous possédons et nous serons plus heureux sous les habits grossiers que les rois sous la pourpre ». Je pourrai, je crois, procurer l’instruction de mes frères et sœurs. Quand il y aura un frère à Larchamp, il faudra y mettre Joseph, car, aussitôt qu’il en aura un de reçu, vous le verrez. Je lui recommanderai d’ailleurs d’en avoir soin du petit.

Vous aurez la consolation de me voir dans le service de Dieu et rester dans le diocèse ; puis, si je suis malade, la communauté me soutiendra. Si j’étais à Larchamp maître d’école simplement d’ici à quand je pourrais il (sic) vous secourir ? Je n’aurais qu’à tomber malade, je vous serais à charge, et ici nullement.

Je vous écrirai et m’en reviendrai de temps en temps. Après que je serai habillé je vous ferai passer les vêtements que j’ai maintenant, si M. le curé de Ruillé me le permet, ceux qui ne me seront point utiles. Ne donnez point la présente à lire à personne et vous m’écrirez au plus tôt. L’autre lettre n’est pas secrète.
Allons, mes parents, embrassons nous tous avec tendresse. Je prie pour vous ; priez pour moi afin que Dieu accomplisse ses desseins.

Ainsi soit-il.

André Mottais

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Lettre du 28-08-1821

De Mayenne, le 28 août 1821

Mon très cher père, ma très chère mère,

Si je m’empresse de vous récrire ces lignes, c’est pour m’informer de l’état de votre santé aussi bien que de celle de mes frères et sœur. Tant qu’à la mienne [sic], [elle] est très bonne pour le présent ; j’ai cependant eu mal dans les yeux, mais cela n’est pas venu à y employer les remèdes ; maintenant ils ne me font pas mal.

J’ai appris avec grande peine la perte de votre jument, mais hélas, j’entre bien dans la peine que vous en avez eue. Mais, que voulez-vous, Dieu nous donne tous les biens que nous possédons ; pourquoi n’en recevrions-nous pas les peines qui lui plaît de nous envoyer ? Endurons donc avec patience à l’exemple du saint homme Job ; que les peines ne servent qu’à nous affermir dans la vertu. Soyons comme les rochers qui sont dans la mer que les vents et les tempêtes et les flots ne peuvent ébranler. Mais quand nous nous voyons affligés, pensons que c’est Dieu qui a encore des desseins sur nous et qu’il pense en nous. Mon très cher père et ma très chère mère, je vous assure mon respect et mon obéissance la plus tendre. Bien des amitiés avec mon frère Jean et son épouse, à mon frère François et ma sœur Jeannette et à mon frère Joseph. Celui-ci, je le prie bien de n’être point méchant, d’être bien obéissant à Papa et à Maman et à ton parrain et autres.

Mes chers frères et sœur, soyez toujours bien obéissants à notre père et à notre mère ; il faut que rien ne vous rebute pour faire leur volonté autant que Dieu n’y sera point offensé. Ô mes chers enfants, que l’obéissance est une belle vertu, surtout en celle qui regarde les enfants envers les pères et mères. Hélas !, que je me repens ne n’avoir pas obéi davantage dès ma plus tendre jeunesse ; c’est pourquoi n’oubliez pas cette obligation si importante. Prenez courage pour votre étude.

Je vous prie bien de faire bien mes compliments à ma marraine et à Marin son époux, et à Julien Hameau, à toute leur maisonnée et à nos parents Labbé et à François Fournier et autres.

Je ne manque de rien pour le présent quand même je m’en irai peut-être bien le huit de septembre parce que M. Lefoulon ira peut-être bien à Larchamp et il mènera mon maître de chant. Cela n’est pas sûr, néanmoins.

Mon cher père et ma chère mère, je finis de vous parler maintenant. Je vous embrasse de tout mon cœur aussi que mes frères et sœur. Je vous souhaite la meilleure santé, je vous assure tous mes respects. Je vous souhaite la bénédiction du ciel et la fécondité de la terre.

André Mottais

Écolier de Mayenne.

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Lettre du 23-12-1821

Ruillé ce 23 décembre 1821

À la plus grande gloire de Jésus et de Marie

Mes très chers parents,

Je ne saurais vous peindre ici la joie que j’ai ressentie de votre lettre. Je l’ai lue et relue avec un nouveau plaisir. Je suis ravi de voir que vous êtes en bonne santé et que le Seigneur a daigné récompenser vos travaux. J’espère qu’il récompensera les miens aussi ; car je suis maintenant dans de grands, mais je crains fort de ne pas m’en rendre digne. Je suis chargé de la direction de 7 novices et bientôt il va s’en trouver davantage. Vous voyez le troisième frère de notre congrégation. Je ne peux vous envoyer mes habits.

Mes chers parents, c’est avec une nouvelle satisfaction que je vois arriver l’époque du nouvel an pour vous réitérer les souhaits et les vœux que j’adresse au Ciel pour votre parfait bonheur et votre conservation. Je désire que cette année vous soit, ainsi qu’à moi, un cours de bénédictions. Je dis la même chose à nos parents Labbé ainsi qu’à ma marraine, à son mari et à son frère Julien.
Soyez bien persuadés de mon sincère attachement et du profond respect avec lesquels j’ai l’honneur d’être, en vous embrassant de tout mon cœur, mes très chers parents, votre t[rès] h[umble] et t[rès] o[béissant] fils,.

A. M. f[rère]

PS : Offrez, s’il vous plaît, mes très humbles respects à Monsieur Loro. Je me recommande bien à vos prières ainsi qu’à celles de nos parents. Le petit Joseph sera instruit gratuitement..

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Lettre du 29-05-1822

Paris, ce 29 mai 1822

Mes très chers parents,

J’ai appris avec beaucoup de peine la mort de ma belle-sœur. Je comprends que trop aisément la peine et l’embarras que vous allez encore éprouver derechef à cause des pauvres enfants qu’elle a sûrement laissés et dans une grande indigence. Mais qu’importe, il ne faut pas vous laisser aller au chagrin parce qu’il n’est rien arrivé en cela que ce que Dieu a voulu. Ainsi, recevons-le comme venant de sa main toute puissante et la bénissons quand elle nous frappe, car c’est une marque que le Seigneur a encore des desseins de miséricorde sur nous. Soyez-en bien persuadés.

Vous me demandez ce que je pense à ce que mon frère Jean laisse sa terre pour prendre l’état de menuisier. Mes chers parents, faites-en à votre volonté, mais ce que j’ai à vous dire là-dessus, j’ai considéré devant Dieu que vous avez déjà eu bien des peines et des fatigues et vous vous êtes en quelque sorte épuisés pour le faire subsister et vous voyez que cela n’a pas réussi comme on se le disait. Mais ce n’est pas le tout, vous n’en seriez pas quittes s’il voulait tenir sa terre et, puisque ç’a toujours été son idée d’apprendre ce métier, je crois que c’est le plus sage parti que vous puissiez prendre.

Oui, mon cher frère, mais il faudra prendre bien garde pour t’y comporter en honnête homme tous les jours de ta vie. Pense bien qu’il n’y a rien à quoi tu doives plus penser qu’à ton salut et à celui de tes enfants. Ainsi, vois si les obstacles qui se rencontrent dans cet état pour le salut ne t’entraîneront point, car si tu prévoyais te laisser aller aux mauvaises compagnies, qui y sont si fréquentes, il vaudrait mieux en prendre un autre où il y aurait moins de danger. Ce que je vous dis ne doit pas vous empêcher d’en faire comme bon vous semblera, mais je crois qu’il est bien juste que vous vous déchargiez d’un fardeau qui vous accable depuis si longtemps. Vous avez bien vu que je n’avais pas [reçu] cet évènement lorsque je vous écrivis.

Je vous prie d’offrir mes respects à mon oncle d’Andouillé. Dites-lui, s’il vous plaît, que j’ai bien de la confusion de moi-même de ne pas lui avoir témoigné ma reconnaissance pour son généreux présent.

M. le Curé m’a envoyé pour quelque temps au noviciat des Frères des écoles chrétiennes. Vous me demandez que j’aille bientôt vous voir. Je ne sais pas si j’y irai ; car je dois m’en priver par mortification. Cependant, si M. le Curé le voulait, j’y irais.

Réunissons-nous ensemble par des prières ferventes adressées au ciel, [pour notr] je suis avec toute la sincérité du plus profond respect, mes très chers parents, votre très humble et très obéissant fils,

Frère André

P. -S. : Mes respects, s’il vous plaît, à M. le Curé et à M. son vicaire.

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Lettre du 23-12-1825

Le 23 décembre 1825
Saint-Denis D’Orques

Mes très chers parents,

Le moment que nous désirions tous depuis si longtemps est bien proche. Dans un mois j’espère que vous m’aurez auprès de vous ; ma joie augmente à mesure que j’approche de Larchamp.

M. Dujarié, notre vénérable père, m’a fait partir la surveille de ma fête pour aller en qualité d’inspecteur dans les endroits où nous avons des frères pour faire la visite des classes ; il y a 8 jours que je suis passé par Le Mans. Je suis à Saint-Denis d’Orques, éloigné du Mans de 8 lieues, dans ce moment-ci. J’y vais passer les fêtes de Noël. Cette fonction dans laquelle la Providence m’a placé est tout à la fois importante, difficile et pénible. Priez Dieu qu’il vienne à mon secours, car j’en ai grand besoin. Ce qui me gène beaucoup dans cette course, c’est ma faible santé, contre laquelle j’ai à lutter continuellement.

Mon intention aurait été d’écrire à M. le curé de Larchamp mais je n’en ai pas eu le temps. Offrez-lui mon très humble respect, et mes amitiés au frère Vincent. Je consolerai mon frère François lorsque je serai à la maison. Dites-lui que je prends une grande part à son affliction qui est aussi la vôtre. Dites-lui aussi que le Seigneur qui la lui a envoyée ainsi qu’à nous peut y remédier et il le fera, j’en suis persuadé. Qu’il ait une grande confiance en Dieu et il ne le laissera pas dans cet état. Je prie pour sa guérison depuis longtemps, qu’il se recommande au moins 3 fois par jour à la très sainte Vierge, à saint Louis de Gonzague et à saint Stanislas Kostka.

À Dieu, je vous embrasse tous de tout mon cœur.

Frère André

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Lettre du 13-03-1826

Ruillé, le 13 mars 1826

Mes chers parents,

Je suis enfin arrivé à Ruillé le 10 mars, je m’empresse de vous le marquer. Je me porte bien et mon voyage a été bien plus heureux à la fin qu’au commencement. Nos chers frères attendaient mon retour avec impatience, et moi, qui le hâtais dans l’impatience aussi. Et je puis dire que j’ai revu Ruillé avec une bien grande joie. Cette joie n’était pas moindre que celle que j’ai éprouvée lorsque j’ai revu Larchamp.

J’offre mes compliments et respects à mes frères et sœur et belle-sœur, ainsi qu’à mon cousin et à ma cousine Mérienne. Ne m’oubliez pas, je vous prie, auprès de ces Messieurs de Larchamp, surtout auprès de M. le Curé à qui j’offre mes remerciements et mon plus profond respect.

J’ai revu notre bon père M. Dujarié avec une joie que je ne saurais exprimer.

Agréez mon profond respect avec lequel je suis, en vous embrassant, mes chers parents, votre très humble et obéissant fils,

Frère André

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Lettre du 25-06-1827

À M. Mottais au Pompairain [Pontperrin], paroisse de Larchamp, près Ernée. À Ernée, Mayenne.

Ruillé-sur-Loir, le 25 juin 1827

Papa, maman,

Vous êtes ennuyés de ne point recevoir de mes nouvelles, à ce que le frère Vincent m’a dit. Je vous ai dit dans ma lettre de bonne année au mois de décembre dernier que je me proposais de faire une tournée du côté de Larchamp au plus tard de suite après Pâques. Mais, vous le savez, l’homme propose et Dieu dispose, je me suis trouvé obligé de passer le Carême à Ruillé pour plusieurs raisons dont le détail serait trop long. Je me suis mis en route après la Quasimodo pour visiter nos chers frères des diocèses de Blois et de Tours. Je m’en suis venu un mois après mon départ avec un petit mal au pied que nous n’avons pu faire guérir qu’en restant au lit. D’abord, je ne voulais point y rester, mais je ne fis par là que différer, ou plutôt de prolonger ma guérison.

Cependant, la retraite approche et nous l’aurons dans deux mois ou peu après deux mois, c’est l’époque de nos plus grands travaux. Vous voyez qu’il ne reste plus guère de temps pour voyager dans nos établissements. Néanmoins, je crois repartir bientôt pour aller probablement du côté de Mayenne et de Larchamp. Il n’y faut pas trop compter toutefois, car je ne sais pas ce qui peut survenir. Ainsi, si je ne vous ai pas écrit plus tôt, c’est que je croyais vous voir avant la Saint-Jean.

J’ai été bien sensible au malheur du fils Marin Mérienne, il faut s’en consoler par la pensée que rien n’arrive dans ce bas monde que par l’ordre et la permission de Dieu. Puisque la providence le destine pour être soldat, qu’il y fasse bien son devoir et le Seigneur sera avec lui.

Mon frère Joseph ne m’écrit plus, moi qui goûtais tant de plaisir à lire ses lettres. Je pense sans cesse à mes frères et sœur. À l’égard de ma sœur, je vous dirai ce que je pense de l’affaire qui la regarde lorsque je vous verrai. Ce que je vous dirai ne la satisfera guère, non plus que moi. Pour finir, je vous dis que ceux qui servent bien le Bon Dieu vivent contents et ne craignent guère d’être surpris par la mort.

Je vous salue avec bien du respect et vous aime en Jésus-Christ notre S[eigneur],

Frère André

P.-S. : Hier, le jour Saint-Jean, j’ai communié à l’intention de Papa et de Maman et de ceux qui portent leur nom dans la maison.
J’ai appris la mort de mon cousin Mottais.
Mes respects et compliments à tout le monde comme [à] l’ordinaire. J’embrasse mes frères et sœur, etc.

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Lettre du 01-09-1828

Ruillé-sur-Loir, ce 1er septembre 1828

Mon cher Papa et ma chère Maman,

Je suis rentré à Ruillé en bonne santé, Dieu merci. Le 9 d’août j’étais un peu fatigué car j’avais traversé le diocèse à pied et j’avais été jusqu’à Saumur, cela après avoir passé chez vous. Mais on m’a fait prendre des bains de tout le corps lorsque j’ai été de retour, en sorte que je me suis trouvé sain et gai comme un poisson de rivière. La retraite est venue 11 jours après, ce qui m’a donné de l’ouvrage, mais la voilà finie et notre monde bientôt tout retourné dans nos établissements.

Notre Supérieur m’a demandé de vos nouvelles avant que je lui aie eu donné des vôtres ; je lui ai présenté vos respects et compliments et il les a bien reçus.

Vous m’avez fait un si bon accueil que j’y pense souvent avec complaisance et je vous aime tous plus que jamais, aussi je ne vous oublie point dans mes prières et ma pensée se tourne souvent vers vous.

Les affaires du gouvernement ne vont pas mieux qu’elles n’allaient il y a un mois ; je crois qu’elles ne vont pas pire non plus. On craint toujours beaucoup pour la foi. On ne nous dit rien – pas plus que de coutume.

Le frère Joseph Bourdon est rentré à Ruillé pour la retraite, il nous reste définitivement et ne veut plus quitter son état. Il est destiné pour le pensionnat de Ruillé que nous allons tenir.

Je suis toujours résolu de donner ma vie pour Jésus-Christ si j’en trouve quelquefois l’occasion et je voudrais bien que le Bon Dieu me fit cette grâce pour aller au ciel tout de suite.

Je vous embrasse tous de tout mon cœur et je prie Dieu de vous conserver pour la vie éternelle.

Frère André

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Lettre du 15-09-1829

Ruillé-sur-Loir, 15 septembre 1829

Mes chers Parents,

J’ai reçu votre lettre mercredi dernier ; j’ai reconnu l’écriture qui est celle du frère Flavien Manceau. Nous étions dans l’embarras de notre retraite, laquelle vient d’être terminée.
C’est M. Thomas qui nous a prêché avec un autre missionnaire. Ils étaient neuf à dix prêtres pour nous prêcher et nous confesser et nous avions trois messes par jour dans notre chapelle de saint Joseph. Je crois que le Seigneur a vraiment répandu ses bénédictions sur nous pendant ces jours de salut et je n’ai jamais vu nos frères si contents qu’ils ont paru l’être avec nous.

J’ai appris avec peine que Papa se portait mal, je prie Dieu pour sa guérison. Je vous fais passer des livres pour les 50 francs que vous m’aviez donnés pour cette fin. Le frère Morice les a remis chez mon parrain à Andouillé en retournant à Saint-Germain, celui-ci doit vous les remettre. Je pense toujours que vous ne me refuserez pas la petite somme que je vous ai demandée et que vous m’avez promise, 30 à 36 francs. Je ne vous dirai pas l’usage que j’en veux faire, vous le savez bien. Je vous embrasse tous de tout mon cœur.

Je désire bien que la santé de Papa aille mieux et je vous en souhaite une bonne à tous. Si je vais à Paris à la fin de l’hiver, je pourrai encore vous acheter quelques livres à bon compte.

Je vais m’occuper de faire passer au frère Flavien ses habits de Parcay et lorsqu’il m’écrira pour me dire qu’il les a reçus, vous le chargerez de me donner de vos nouvelles.

C’est de la part de votre tout dévoué fils,

Frère André

P.-S. : Mes amitiés à tout le monde, particulièrement au bon militaire en congés Marin Merienne ; je me réjouis beaucoup qu’il ait obtenu cette permission car ses parents vont en être bien aise.

Quand je fais une lettre, il faut qu’elle soit presque aussitôt finie que commencée, aussi j’en ferai bien trente-six par jour !

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Lettre du 12-05-1832

Mon cher Papa et ma chère Maman

J’avais commencé une lettre pour vous lorsque la vôtre m’est arrivée. C’est ainsi que je ne vous oublie pas plus que vous ne m’oubliez. Le temps de la colère de Dieu où nous commençons à entrer me fait une obligation plus étroite que jamais de me souvenir de vous et du salut de vos âmes. Oui, votre conversion entière et une parfaite détermination de faire toutes les bonnes œuvres que vous pourrez pour mériter le ciel, sont tous les jours l’objet de mes prières. Mon amour pour vos âmes et la crainte que j’ai que quelqu’un de vous ou de votre maison ne perde la sienne sont extrêmes. Il me semble que je serais prêt à souffrir plutôt toutes sortes de tourments que de consentir à vous voir damnés les uns ou les autres. Aussi, j’ai une ferme confiance que j’obtiendrai par l’intercession de ma bonne mère la sainte Vierge et de saint Joseph ce que je demande pour vous (six) avec tant d’ardeur.

Priez aussi de votre côté, et tout ira bien, car avec une prière fervente et souvent répétée on vient à bout des choses les plus difficiles. Le saint Esprit qui sait si bien instruire en secret vous dira comment et tout ce que vous devez faire.

Je vous ai écrit le 13 février pour plusieurs raisons : la première pour vous prémunir contre la peine que le tirage aurait pu vous occasionner par rapport à mon jeune frère. Je pense que, suivant l’avis que je vous donnais vous avez remis vos inquiétudes et cette affaire elle-même entre les mains de Dieu. On ne parle plus du tirage qui n’aura peut-être pas lieu cette année.
On s’occupe avec plus de raison du choléra morbus. Vous n’ignorez pas, sans doute, les ravages qu’il fait dans plus de vingt départements où il est déjà. On vient de me dire qu’il est à Tours et que plusieurs personnes en sont mortes. Il paraît que cette nouvelle est vraie. Tours est à 10 lieues de Ruillé et à 43 lieues de Larchamp environ.

Cette cruelle maladie est venue en France à la fin de mars, elle a commencé à Paris, au milieu d’un spectacle, c’est-à-dire au milieu d’un exercice profane comme une comédie ou un bal, où il y avait beaucoup de gens. Un d’entre eux tomba, et il fallait l’emporter chez lui. C’est ainsi que Dieu punit souvent ceux qui veulent prendre part aux parties de plaisir qu’il défend. Il y a eu des jours où il est mort six à sept cents personnes par jour à Paris, mais maintenant il n’en meurt plus que soixante par jour, ce qui n’est plus rien.

Il y a environ 700 000 âmes à Paris. Les journaux annoncent qu’il y a 15 000 morts du choléra, cela fait un sur 46. Il y a 2 400 âmes à Larchamp. S’il en mourait 50, cela ferait à proportion le même nombre qu’à Paris. On croit généralement qu’il en est mort à Paris bien plus que les journaux ne disent, quelques personnes écrivant de Paris disent qu’il en est mort plus de 22 000. Mais vous savez que le peuple et les particuliers disent toujours en tout plus qu’il n’y a.

Il y a de deux sortes de choléra, le gros et le petit. Le petit ne fait point mourir. Un de nos frères l’a eu ces jours-ci à Ruillé, il avait chaud, et il était altéré, il avait le cours de ventre et vomissait, mais il s’est trouvé bien guéri au bout de trois jours.

Le grand choléra qui fait mourir tant de monde commence ordinairement par faire qu’on éprouve une grande lassitude dans tous les membres, ensuite des envies de vomir, le cours de ventre, et un grand froid aux pieds, des maux d’estomac, l’étourdissement de tête, et une soif dévorante. Sitôt qu’on s’aperçoit qu’on est atteint de ce mal, il faut se mettre au lit, s’y couvrir et envelopper dans des couvertures de laine ou avec d’autres qu’il faut chauffer le plus qu’il est possible. Il faut aussi mettre une brique ou bouteille d’eau chaude aux pieds, enfin le malade doit être si chaudement que sa chemise devienne mouillée en peu de temps, s’il est possible ; il est bon de frotter rapidement les pieds du malade sans les découvrir néanmoins.

On fait un cataplasme de menthe frisée, de serpolet et de sauge bouillis ensemble dans de l’eau. On l’applique sur le creux de l’estomac le plus chaud qu’il est possible ; ce cataplasme doit être mis entre deux linges et de la largeur d’un plat d’étain. Il est défendu de donner de l’eau froide à boire au malade, vu que cela peut lui causer une prompte mort. S’il a soif on doit faire bouillir durant une minute seulement une poignée de pouliot ou de fleurs de camomille, ce que vous appelez « carmomire », dans une pinte d’eau et lui donner un verre ou deux de cette tisane bien chaude à boire.

Il faut être quatre personnes pour soigner un cholérique (remarquez bien cela) : deux pour faire au malade le traitement que je viens de vous indiquer, un pour aller chercher un prêtre, et un autre pour aller chercher le médecin. Il y a un grand nombre de remèdes que je pourrais vous indiquer, mais vous ne les connaissez point, ou vous ne les avez point. Les bonnes Sœurs, surtout ma Sœur Félicité, vous les donneraient bien. Pour vous préserver du choléra morbus, prenez garde de froidir trop vite lorsque vous suez, ne buvez pas de l’eau fraîche lorsque vous avez chaud, ni même dans aucun temps pendant que nous sommes dans l’été, l’eau un peu chaude et celle qui n’est pas fraîche ne fait jamais de mal. Ne mettez point vos pieds nus sur la terre fraîche et humide, surtout le matin en vous levant et ne mangez point de lait trop froid, lavez-vous de temps en temps les pieds dans l’eau chaude, mais jamais dans l’eau froide et ne vous lavez que lorsqu’il y aura au moins trois heures que vous aurez mangé ; ayez soin de ne vous servir que de linge blanc et bien propre, de ne point laisser d’engrais ni de fumier à la porte de vos étables ni dans notre cour, à Ruillé, on prend sur tout cela les plus grandes précautions, afin de ne pas attirer la maladie qui pénètre ordinairement dans les lieux malpropres.

Nous devons user des médecins, des remèdes et des précautions indiquées. Mais nous devons aussi prier le Seigneur qui a tout cela dans ses mains et qu’il est le médecin et le remède tout ensemble. Cette maladie est le fléau de Dieu. Que le fléau de Dieu soit le bienvenu. Les Français s’entredévoraient comme des loups. Dieu vient avec son fléau pour les séparer. Les Français ont mis de l’eau dans leur vin, il est juste qu’ils le boivent tel que tel. Le Seigneur ne fait que commencer à les punir et déjà ils sont surpris. Ils ont tant travaillé les dimanches, tant blasphémé le nom de Dieu, tant décrié la religion et ses prêtres, qu’il faut maintenant qu’ils lui paient cela, et ceci est bien juste. Nous en verrons d’autres.

Vous avez su sans doute que M. l’abbé Simon Fournier a été sur le point d’être tué d’un coup de fusil par un soldat qui a tiré sur lui et sur notre frère Étienne à Saint-Denis d’Orques. Il y avait trois balles dans le fusil. Une balle a percé le bas de la soutane de notre cousin. Dieu châtie pour récompenser.

Dans le duché de Modène en Italie, il y a eu de si violents tremblements de terre que plusieurs bourgs ont été engloutis et ont disparu. Le grand-duc de Modène a adressé un discours au peuple pour lui faire voir dans ces grands évènements la main de Dieu irrité contre eux.

La personne qui m’écrit pour vous ne sait pas faire une longue lettre ou n’en prend pas le temps : c’est pourquoi quand vous voudrez m’écrire, vous lui donnerez le petit billet ci-joint, et elle y répondra sans que vous soyez obligés de lui faire voir ma lettre.

Rappelez-vous bien qu’il y a deux espèces de choléra, le grand qui donne le froid et qui est dangereux ; le petit ou la cholérine qui donne la chaleur plutôt que le froid.

Je finis ici ma lettre en vous souhaitant à tous la continuation de la bonne santé dont vous jouissiez en m’envoyant la vôtre. Je continue de prier pour vous. Je vous aime et vous embrasse, père, mère, frères, sœur, neveu et nièces et mes respects et compliments comme de coutume.

Votre tout dévoué fils,

Frère André

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Lettre du 09-09-1832

Ruillé-sur-Loir, le 9 septembre 1832

Mes chers parents,

Je profite de l’occasion de notre frère Arsène, qui se rend chez nos frères de Mayenne, pour vous écrire deux mots. Je vous ai écrit au mois de juillet pour vous accuser réception de votre lettre qui m’avait bien fait plaisir, néanmoins il m’est resté une certaine inquiétude au sujet de mon frère Joseph : je ne sais s’il a été définitivement exempté par son numéro.

Nous avons eu cette année, c’est-à-dire au mois dernier, une retraite générale qui a été parfaite, ce que nous n’avions pu nous procurer depuis 1829 à cause des craintes dans lesquelles nous vivions. Ce sont les missionnaires de Laval qui nous l’ont faite. Nous en sommes sortis, Dieu merci, avec une résolution de servir le Seigneur plus fidèlement que jamais, et cela jusqu’à la mort. Oh, si vous saviez combien nous avons reçu de grâces et combien je souhaiterais que vous en reçussiez de pareilles ! Je crois que si vous en receviez autant que moi vous seriez beaucoup meilleurs que je ne suis.

Cependant, depuis Pâques, Dieu m’a fait des faveurs très grandes et qu’il ne m’avait jamais faites, il m’en a peut-être autant fait dans ce peu de temps que j’en avais reçu dans toute ma vie. Je n’ose pas vous en dire plus long. Je les éprouve encore, ces faveurs. Aidez-moi à en remercier sincèrement le bon Dieu aussi bien que de la grâce qu’il m’a faite de naître dans un pays chrétien, et de parents catholiques, et d’avoir été instruit par de bons prêtres en faisant mes premières communions ; il est vrai qu’à cette époque j’étais bien mauvais et que je le suis encore, n’importe. Si j’use mal des bienfaits de Dieu, il n’en mérite pas moins toute ma reconnaissance. Oui, je le remercie surtout, et je veux toujours le remercier de bien des grâces particulières que je ne nomme point, de m’avoir fait entendre les sermons de M. Richard en 1818 à Larchamp, et de m’avoir inspiré le désir de changer de vie pour sauver mon âme ; de m’avoir ensuite engagé à quitter le monde et à me consacrer à lui dans la vie religieuse.
Ô, heureux état où il m’a placé par sa grande miséricorde, et où il me comble de grâces, que ne puis-je en remplir parfaitement les devoirs et devenir un homme selon le cœur de ce Dieu de bonté !

Servons donc le Seigneur, mes chers parents, quand on le sert bien, il n’est plus de peines, d’inquiétudes ni d’afflictions, tout devient doux parce qu’il adoucit tout ce qui semble rude et désagréable. J’espère que vous serez toujours très fidèles à vous mettre sous la protection de la très sainte Vierge, de saint Joseph et des saints Anges et à les honorer par de bonnes œuvres ; alors vous serez assurés d’obtenir leurs secours. Vous en avez déjà l’expérience, sans doute. Pour moi, j’ai cette expérience.

Mon petit cousin Blot, d’Andouillé, vient de m’écrire une lettre de sa main propre, et j’y réponds ; il paraît que ses parents se portent bien.

L’été a été très sec, et je me suis aperçu dans mes voyages qu’il n’est tombé de l’eau que dans quelques contrées, et que beaucoup de pays ont été ravagés par la grêle, à Saint-Denis-d’Anjou surtout, les vignes ont été dépouillées de leur raisin, les fruits ont été arrachés des arbres, les vitres des maisons ont été cassées, les oiseaux ont été tués. Les pertes ont été grandes et montaient je crois à plus de 200 000 F.

Je vous souhaite à tous une bonne santé, je vous embrasse tendrement, et suis votre dévoué fils et frère André.

P.-S. : Je ne vous parle point d’affaires politiques parce que je n’en sais point, et que je ne m’en occupe point. Et cela ne sert de rien.
Je regretterai toujours que le petit Jean, mon neveu, ne puisse pas venir au pensionnat de Ruillé. Vous ne m’avez point parlé de Michel Rimbert. Je me recommande à vos prières, je prie pour vous tous les jours.

P.-P.-S. : Il est partout du seigle et du froment en abondance, aussi bien que des pommes, mais il sera peu de vin, au moins du côté de Ruillé à cause de la gelée et de la grêle. Je pense qu’il a fait trop sec pour votre sarrasin, et que vous n’en avez point eu. Soyez résignés néanmoins. Je serai bien aise d’avoir de vos nouvelles quand vous pourrez m’en donner.

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Lettre du 16-09-1837

J. M. J.
Communauté des Frères de Saint-Joseph

Le Mans, ce 16 septembre 1837

Mes chers parents,

Je réponds sans délai à votre aimable lettre du dix de ce mois, je n’ai pas reçu celle que M. le curé de Montaudain a dû apporter au Mans. Notre père Supérieur m’avait cependant accordé la permission d’aller passer huit jours avec vous et je m’étais déjà disposé pour partir le 12 du mois d’août, deux jours après le départ de nos élèves, lorsqu’il me survint un malaise accompagné de maux de tête extraordinaires et d’une grande éruption à la bouche. Le médecin fut consulté, on jugea que j’étais fatigué par un surcroît de travail que j’avais eu, et qu’il me fallait du repos. Notre père Supérieur m’a dit que puisqu’il en était ainsi, il fallait renoncer à mon voyage et ne penser qu’à rétablir ma santé avant la retraite. Je me suis soumis, et j’ai pensé que le bon Dieu avait disposé les choses de cette sorte pour donner lieu à un sacrifice de votre part et de la mienne, qui lui sera plus agréable et à nous plus méritoire sans doute, que n’aurait été la satisfaction de nous voir réunis. Je suis content que Dieu ait fait en cela sa volonté et j’ai la même joie que si je fusse aller vous voir.

Vous me direz peut-être que je pourrais exécuter mon projet maintenant puisque les pensionnaires ne rentrent que le six octobre. J’avoue que ma santé n’y serait pas un obstacle, car elle va parfaitement. Je viens de consulter là-dessus notre père Moreau qui, eu égard, comme je me le persuade, à des occupations spéciales dont il m’a chargé dans la maison et qui sont nécessaires à l’ordre de choses qu’il veut établir en recevant les élèves dans notre nouvelle bâtisse le 6 octobre, m’a répondu qu’il vallait mieux remettre mon voyage chez vous à l’année prochaine. Soumettons-nous encore et ne laissons pas de bénir le Seigneur.
Notre Supérieur est vraiment un homme de Dieu, inspiré par son esprit dans les grandes entreprises qu’il forme et qu’il exécute pour la gloire et le soutien de la religion. On nous fait cette année une seconde bâtisse. Il y a tous les jours une nuée d’ouvriers de tous genres. Les travaux sont immenses.

J’ai l’honneur de présenter mon respect à M. le curé et à M. le vicaire de Larchamp et les prie de venir voir tout cela lorsqu’ils viendront au Mans.
J’invite de la même manière M. Lory. Ces messieurs admireront une pompe qui porte l’eau par tout le bâtiment, depuis la cave jusque sur la couverture, qui fournit de l’eau dans les corridors et qui la verse dans les marmites, les chaudières et casseroles à la cuisine ; et pour tout cela il suffit de tourner une roue qui est dans la cave. Ils verront aussi un potager, ou fourneau, où sont placées cinq grandes chaudières contenant chacune environ un demie-busse, deux fours pour faire rôtir de la viande, des fruits, etc., une plaque sur laquelle on peut fricasser des œufs ou toutes autres choses, et tout cela est chauffé ensemble avec un seul feu qui est caché au milieu de ce fourneau éonomique. Ainsi on peut faire la cuisine à quatre cent personnes à la fois.

Je remercie M. Laury [sic] de la peine qu’il prend de faire vos lettres, et je fais bien des assurances d’attachement à son épouse et à sa mère. Je souhaite qu’ils veuillent bien continuer ainsi que vous [tous] mes chers parents, à prier Dieu pour moi. Je suis persuadé que ces prières-là me sont d’un grand secours. Je tâche aussi de prier de mon côté afin que nous soyons tous unis en Dieu comme dans notre centre avec un même cœur, tous priant pour chacun et chacune, priant pour tous, cela nous donnera de la force pour le moment de la mort quand elle viendra, fuyons tous les péchés, regrettons devant Dieu et pour Dieu, tous ceux que nous avons commis. Mettons notre joie en Dieu et à accomplir nos devoirs, aimons tout le monde, même ceux qui nous font du mal, faisons tout en vue de Dieu et fréquentons les sacrements pour nous purifier des moindres fautes, croyons qu’en vivant de la sorte nous serons heureux pour cette vie et pour l’autre.
Je ne dis point ceci pour prêcher personne mais pour nous animer tous à servir Dieu et à travailler à notre salut. Je parle par conviction et d’après les sentiments de mon cœur, car, et je ne crois pas qu’on trouve mauvais que je dise ici ce que j’éprouve, la pensée du salut de mes parents m’occupe presque le jour et la nuit : je voudrais absolument les voir tous se sanctifier et éviter l’enfer. Je serais inconsolable, si je savais que quelqu’un d’eux marchât à sa perte, et je voudrais donner tout mon sang pour lui éviter un tel malheur.

Il faut finir cette trop longue lettre, et vous dire que votre santé m’intéresse beaucoup et si je ne craignais point les ports de lettres qui vous coûtent beaucoup, je voudrais avoir plus souvent de vos nouvelles.

Je vous respecte et vous aime tous de tout mon cœur et suis votre fils et frère,

Frère André.

P.- S. : Vous me parlez des fruits, il n’en est pas non plus ici, mais le vin sera abondant… Je me réjouis de votre bonne récolte et je souhaite que Dieu vous envoie des temps plus favorables pour la recueillir.

Notre ancien Supérieur M. Dujarié, que nous appelons notre père fondateur, est avec nous. Il se porte bien à cela près qu’il ne peut marcher et qu’il est quelquefois en enfance, il vit content et heureux, il ne fait plus rien.

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Lettre du 06-05-1838

J. M. J.
Communauté des Frères de Saint-Joseph

Notre-Dame de Sainte-Croix-lès-le-Mans, le 6 mai 1838.

Mes très chers parents,

Après mon retour à Mayenne, je suis allé à Alexain et de là je me suis rendu au Mans le mardi. À mon arrivée, nos chers pensionnaires sont venus se jeter à mon cou. J’avoue que j’ai été sensible aux marques d’amitié qu’ils m’ont donné dans cette circonstance ; je les ai payés de retour.

J’avais besoin de rentrer à Sainte-Croix pour me renouveler dans la piété, car mon voyage m’avait dissipé l’esprit. Pour rattraper ce que j’ai perdu, j’ai fixé mon lever à 4 heures du matin et mon coucher à 10 heures du soir. Étant dans mon grand dortoir au milieu de nos jeunes élèves qui dorment comme des bienheureux dans un silence profond, je trouve le temps de faire oraison, de lire et de méditer les vérités éternelles. C’est alors que je ressens le besoin de prier pour moi-même, pour vous tous et pour tous les hommes qui sont sur la terre, car Jésus-Christ est mort pour tous et tous peuvent entrer dans la société des saints et louer Dieu dans l’éternité. Que ne puis-je me souvenir continuellement que je suis sans cesse parmi les anges gardiens de nos chers pensionnaires et entrer comme eux en communication de la présence de Dieu et des louanges qu’ils s’efforcent de lui donner à toute heure !

Servons Dieu dans l’humilité et les bas sentiments de nous-même, car Dieu exauce les humbles et rejette les orgueilleux et les superbes.
Souffrons avec douceur, patience et résignation les injures, les moqueries, les railleries et les traitements injustes, souffrons les fatigues de nos travaux et en général tout ce qu’il y a d’incommodant, et cela en union avec Jésus-Christ pour la rémission des peines que méritent nos péchés.

Maman m’avait dit qu’elle avait perdu son chapelet, je lui en envoie un en coco, et qui est brégité. Notre père Moreau lui en fait présent. Les indulgences attachées à ce chapelet sont nombreuses, il y a cent jours sur chaque grain, mais avant que de pouvoir les gagner il faut dire trois chapelets, un pour le Pape, un pour l’Église et un pour celui qui l’a brégité.

Offrez, je vous prie, mon respect à M. le curé et à M. le vicaire que j’estime toujours de plus en plus… Je vous embrasse tous et me recommande à vos prières.

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Lettre du 03-10-1842

J. M. J.

Le Mans, ce 3 octobre 1842

Mes très chers parents,

M. Chardon ayant amené son fils à notre pensionnat, je profite de son retour pour vous dire que je suis revenu d’Afrique, depuis le 20 d’août, bien portant après quinze jours de voyage sur mer et sur terre. J’ai cependant été malade quelques jours après mon arrivée ici.

J’ignore combien de temps nous passerons au Mans avant de retourner à Alger. En attendant, je continue mes anciennes fonctions à Notre-Dame de Sainte-Croix, auprès de notre excellent père Moreau. M. Drouelle est aussi revenu.

J’ai été à Mayenne l’autre jour, mais j’étais si pressé qu’il me fut impossible de vous aller voir. J’aime mieux vous dire cela que de vous le cacher.

Le nombre de nos pensionnaires arrivera près de cent quarante cette année. Le bon Dieu bénit son œuvre, qu’il soit loué. Je désire que vous viviez tous en paix et en grâce avec lui, prions-le donc beaucoup, offrez-lui vos pénibles travaux en union avec Jésus-Christ et vous mériterez de nouvelles grâces.

Nous faisons faire une belle église qui sera grande comme celle d’Ernée, à peu près. C’est une œuvre tout à fait pour la gloire de Dieu, qu’il soit loué à jamais.

Je n’oublie aucun de ma famille et de mes connaissances.

Je suis avec tout le respect et toute l’affection possible, mes très chers parents, votre tout dévoué en Jésus-Christ,

Frère André

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Lettre du 14-10-1842

Le Mans, ce 14 octobre 1842

J. M. J.

Mes très chers parents,

J’ai reçu hier votre lettre : j’aurais eu bien de la joie en la lisant, mais ce qu’elle m’a appris sur l’état de souffrance où est ma bonne et très chère mère m’a rempli d’amertume. Pour me consoler, je prie Dieu et la sainte Vierge pour elle, puissè-je être exaucé, et apprendre bientôt qu’elle se porte mieux.

Je comprends que vous avez dû être surpris que je n’aie pas été jusqu’à Larchamp, l’autre jour, quand je fus à Mayenne. Mais je puis vous assurer que la rentrée toute prochaine de nos pensionnaires fut un obstacle, comme elle l’est encore à cause de l’emploi que j’exerce parmi eux – je ne pourrais pas même m’absenter une demi-journée sans causer un dérangement considérable.

Nous sommes une douzaine de maîtres dans la maison, vous ne vous faites pas d’idée de l’exactitude que chacun apporte dans son emploi, et il faut cela. Nous ne sommes pas seulement à l’heure, mais à la minute, mais au premier coup de cloche !

Notre révérend père Moreau m’a dit de vous dire que si je vais en Afrique avant les vacances, j’irai vous voir avant que de partir, et si je n’y retourne pas, comme c’est bien possible, j’irai vous voir au plus tard au mois d’août prochain, lorsque le pensionnat sera en vacances. Comment ne serais-je point désireux de revoir tous mes chers parents et en particulier ma bonne mère et mon cher père. Ah ! Dès que le moment sera arrivé je me précipiterai de ce côté-là. En attendant, prions Dieu les uns pour les autres et surtout pour celui d’entre nous qui doit paraître le premier au jugement de Dieu.

Je n’ai point reçu la lettre dont vous me parlez – je vous en ai écrit une d’Alger au mois de juin.

Mon respect à M. le curé et à M. le vicaire de Larchamp. Mes compliments à M. Laury et à son fils, etc., etc.

Je suis pour toujours, mes très chers parents, votre affectionné et tout dévoué en N[otre] S[eigneur] J[ésus]-C[hrist],

Frère André

P.-S. : Jugez combien je suis occupé : voilà trois jours que j’avais commencé cette lettre sans pouvoir la continuer ou la finir !

Tous, mes très chers parents, travaillons sans cesse pour la gloire de Dieu et notre salut, sans nous décourager [partie manquante] dans le ciel.

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