HOMÉLIE DU 22 Janvier 2022 à Notre-Dame de Sainte-Croix
(3e dimanche ordinaire année A) 150e anniversaire de la mort de Basile Moreau
Textes du 3e dimanche ordinaire :
Is 8, 23b – 9, 3 ; Ps 26 (27), 1, 4abcd, 13-14 ; 1 Co 1, 10-13.17 ; Mt 4, 12-23
Textes de la fête du bienheureux Basile Moreau :
Is 8, 23b – 9, 3 ; Ps 26 (27), 1, 4abcd, 13-14 ; Ep 4, 1-7 ; 11-13 ; Mt 16, 24-27
Il y a 150 ans, alors que venait de naître Thérèse de Lisieux et Charles Péguy, le Père Basile Moreau tirait sa révérence…
« Éducateur de talent et pionnier de l’enseignement libre dans la Sarthe », comme le rappelait Mgr Faivre à l’approche de sa béatification au Mans en 2007.
Basile participe au rayonnement du diocèse du Mans, ou plutôt au rayonnement de la Croix “source de toute espérance”, à partir du diocèse du Mans et des nombreuses œuvres que le charisme de Sainte-Croix a suscitées à travers le monde : Algérie, États-Unis, Canada, Italie, Pologne, Bengale, Chili, Brésil, Haïti, Ghana, Ouganda, Pérou, Kenya, Mexique, Tanzanie, Philippines. La Congrégation de Sainte-Croix est aujourd’hui présente dans 16 pays et sur les 5 continents. Je salue ici les responsables et représentants-représentantes de la famille de Sainte-Croix : Pères, Frères, Sœurs Marianites de Sainte Croix, venus célébrer avec nous l’ouverture du jubilé des 150 ans…
Il est bon en ces périodes ou certains pensent que nous sommes au crépuscule du christianisme et où certains chrétiens même semblent se décourager (il est vrai qu’un certain nombre de comportements dans nos rangs peut prêter au découragement !), il est bon de se rappeler que la grande et belle famille de Sainte-Croix a surgi des ruines de la Révolution française et de ses assauts sacrilèges….
Comme nous le rappelait la première lecture « le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière à resplendi. »
Rien n’est jamais perdu pour un chrétien quand il revient à la source : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; de qui aurais-je crainte ? Le Seigneur et le rempart de ma vie ; devant qui tremblerais-je ? »
« De Nazareth que peut-il sortir de bon ? » (Jn 1, 46) s’écrie Nathanaël dubitatif, devant Jésus qui lui parle de Nazareth… Et de Laigné-en-Belin alors, que peut-il sortir de bon ?…
Avec Philippe, je suis tenté de répondre : « Viens et vois ! »
Je le dis sérieusement et je me permets d’inviter avec insistance tous ceux qui le pourront à vivre un temps de pèlerinage sur les traces de Basile en cette année jubilaire.
Pas seulement faire la belle démarche jubilaire prévue ici en cette Eglise Notre-Dame de Sainte-Croix, berceau de la famille de Sainte-Croix, mais jusqu’aux fonts baptismaux de Laigné-en-Belin… Parce que c’est là que tout commence ! C’est là que Basile est devenu membre du corps du Christ par le baptême. Le reste n’est que le déroulement intelligent et courageux de ce don reçu d’en haut.
La sainteté en effet n’est-elle pas le déroulement intelligent et courageux de notre baptême ? Vous y réfléchirez…
Je ne peux pas voir le seul fruit du hasard dans le fait que le Belinois qui a vu naître Basile en 1799 et qui a été intégré depuis le mois de juin, par décision de Mgr Le Saux, notre ancien évêque dans le secteur missionnaire Centre Sud, est désormais confié à une équipe de Père de Sainte-Croix venus d’Haïti… Quel beau retour de l’histoire ! Merci Basile d’avoir cru et d’avoir tenu bon jusqu’au bout les engagements de ton baptême.
« Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. » Tu l’as pris à pleine mains cette croix, Basile et tu lui as permis de rayonner sur le monde…
Nous savons que le nom “Sainte-Croix”, au départ, était tout simplement le nom du quartier où la Providence t’avait donné rendez-vous. Là où nous sommes aujourd’hui. Je ne suis pas historien mais j’aimerais apprendre comment petit à petit cet enracinement a mûri dans ton cœur au point de donner à ta famille religieuse, la devise que l’on connaît ? « O crux, ave, spes unica ! » « Salut, ô croix, notre unique espérance ! »
« Conforme à l’image du divin crucifié » (cf. Lettre Circulaire 34), fidèle à ton Seigneur jusqu’au bout et même au cœur de l’épreuve et de l’abandon par les tiens (heureusement les tiennes ne l’avaient pas oublié !), le grain qui meurt a porté du fruit en son temps !
Ce qu’on appelle injustement “ton œuvre”, n’était pas la tienne justement, mais celle de Dieu, « je ne puis m’en attribuer, ni l’initiative, ni le mérite. Et c’est là le signe incontestable que Dieu seul en est l’auteur. » écris-tu (cf. Lettre Circulaire 94). C’est ce qui t’as permis de l’abandonner à la Providence sans trop de regret. Et c’est pour cela sans doute qu’aujourd’hui, elle rayonne à travers le monde entier.
« Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous » nous rappelait saint Paul dans la deuxième lecture. C’est de croire cela, Basile, qui t’a donné, au gré de la Providence et avec ceux que tu avais su mobiliser ou qui t’avaient été confiés par ton évêque pour soulager le P. Dujarié, le courage de t’aventurer dans l’accompagnement et la formation des prêtres, la prédication par monts et par vaux dans les paroisses de notre cher diocèse, l’éducation de la jeunesse, le soin des pauvres et des malades. Tes frères et sœurs, tu voulais les rassembler de manière audacieuse pour l’époque en une même famille religieuse « imitation sensible, disais-tu, de la Sainte Famille » (cf. Lettre Circulaire 14) pour qu’ils deviennent « un levier puissant avec lequel on pourrait remuer, diriger et sanctifier le monde entier. » (cf. Lettre Circulaire 14)
Engagé sur tous les fronts, tu l’étais. Sans jamais te fourvoyer en politique. Peut-être cela fait-il partie du message que tu laisses à notre temps, ou certains semblent tentés par la croisade.
« Un des bienfaits de la révolution de juillet et d’avoir proclamé la liberté de culte et de l’enseignement primaire, écris-tu en 1845. Je fais maintenant profession de n’avoir aucune opinion politique. Je ne vois que des frères dans les différents partis qui s’agitent. Je ne suis ni républicain, ni libéral, ni légitimiste : je suis prêtre, et rien de plus. » Et tu ajoutes : « Mes frères ne peuvent penser autrement que moi sous ce rapport sans cesser par là même de faire partie de ma congrégation. Notre devise est : Union, charité, obéissance aux autorités civiles et aux lois, et notre drapeau : la croix toute nue. » (Inauguration d’une école tenue par les frères)
On sait pourtant que le milieu dans lequel tu as grandi faisait plutôt de toi un légitimiste… Tu écris d’ailleurs dans une lettre circulaire : « Je sens le besoin de vous prévenir contre cette fausse et séduisante opinion de la souveraineté du peuple, qui pousse à la révolte contre toute autorité qu’on n’a pas soi-même créée ou du moins reconnue et adoptée, parce que c’est là ce qui trouble les esprits et agite sans cesse notre patrie depuis 60 ans… » (Lettre circulaire du 08/12/1851)
J’entends déjà la récupération à deux sous que pourraient faire certains de ce genre de propos retirés de leur contexte !
Ton souci c’est « autant qu’il est en mon pouvoir, contribuer à la bonne éducation de la jeunesse et par là au bonheur de ma patrie. » (Ref. inconnue)
Pour cela tu invites tout enseignant à remplir « les devoirs de son état avec autant d’empressement et d’affection que de courage et de persévérance, parce qu’à la vue des enfants plongés dans le vice et l’ignorance, [l’enseignant] éprouve ce que l’Apôtre ressentait pour les Galates qu’il avait évangélisés, quand il leur écrivait : “Mes petits-enfants, pour qui j’éprouve les douleurs de l’enfantement jusqu’à ce que Jésus-Christ soit formé en vous”. » (L’Éducation chrétienne) « Pour Basile Moreau, l’éducation chrétienne est une œuvre de résurrection et une option pour l’avenir… », écrit le P. Jean Proust.
Tu es présent sur tous les fronts auprès des pauvres et des plus démunis, incitant les élèves de Sainte-Croix à visiter les familles pauvres dans le cadre de la conférence de Saint-Vincent de Paul que Frédéric Ozanam venait de créer avec quelques amis à Saint-Etienne du Mont à Paris.
Tu envoies les Frères et les Sœurs qui en ont la compétence au service des malades…
Tu as un souci : La mission, « ardent désir qu’on éprouve de faire connaître, aimer et servir Dieu, et par là de sauver des âmes. » (L’Éducation chrétienne) Il s’agit d’annoncer l’évangile de la croix par la prédication et par les œuvres. « La congrégation a pour but la prédication de la parole divine dans les campagnes et les missions étrangères […] et l’instruction et l’éducation chrétienne des jeunes, avec un souci particulier pour les enfants pauvres et abandonnés. »(1ères constitutions)
Ta hantise : les campagnes déchristianisées… C’est ce qui donnera l’audace, dès 1835, de fonder avec deux ou trois compagnons les prêtres auxiliaires qui rejoindront ensuite les Frères de Saint-Joseph fondés par le père Dujarié. C’est aussi ce qui fait qu’au soir de ta vie, après avoir été rejeté et désavoué par tes propres frères, tu t’es mis au service des prêtres du diocèse pour prêcher un nombre impressionnant de retraite à travers toute la région. C’est lors d’une de ces retraites, prêchée je crois à Yvré-l’Evêque, non loin d’ici, que tu attrapas le mal qui t’emporta quelques jours plus tard au Mans, le 20 janvier 1873.
« Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera. » avons-nous entendu dans l’Évangile tout à l’heure.
Merci Basile de nous conduire sans faillir sur le chemin de la Vie ! Avec toi et avec le psalmiste nous redisons « j’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants. Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ; espère le Seigneur. »
« Salut, ô croix, notre unique espérance ! »